L’injure et la diffamation publique se définissent comme des délits de presse, soumis au régime de la loi sur la Liberté de la presse du 29 juillet 1881.
Initialement soumis à un bref régime de prescription de l’action publique de trois mois (sur Internet comme dans la presse écrite, selon une jurisprudence maintenant constante), depuis le 9 mars 2004, la Loi Perben II instaure un délai de prescription d’un an à compter de la première publication (article 45 de la loi) dans certains cas. Par dérogation aux règles de procédures de droit commun voulant que le parquet est toujours libre d’engager des poursuites, la victime de propos diffamatoire ou injurieux devra engager elle-même des poursuites, par une plainte préalable (article 48-6 de la loi sur la presse). Même en cas de classement de l’affaire par le parquet, la victime peut toujours déclencher les poursuites en saisissant un juge d’instruction (constitution de partie civile) ou directement le tribunal correctionnel (par voie de citation directe).
La diffamation publique
- Définition : La diffamation publique est définie par la loi sur le Liberté de la Presse du 29 juillet 1881 en son article 29 alinéa 1 :CHAPITRE IV : des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. Paragraphe 3 : Délits contre les personnes. Article 29 Al. 1er : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »
Ainsi, les éléments constitutifs de la diffamation sont :
- L’allégation d’un fait précis ;
- la mise en cause d’une personne déterminée qui, même si elle n ?est pas expressément nommée, peut être clairement identifiée ;
- une atteinte à l’honneur ou à la considération ;
- le caractère public de la diffamation.
Pour reconnaître la diffamation publique, il faudra constater l’allégation ou l’imputation d’un fait précis de nature à porter atteinte à l’honneur ou la considération d’une personne devant être déterminée ou au moins identifiable. Ainsi, même dénommé par un pseudonyme, une personne physique peut faire l’objet de propos diffamatoire, dès lors qu’elle est identifiable. A titre d’exemple, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille a obtenu du Tribunal de grande instance de Marseille, le 20 janvier 1998, 300 000 francs de dommages et intérêts pour avoir été mis en cause sous la dénomination de « Trotinette » dans le livre de Jean-Michel Verne et André Rougeot, « L’affaire Yann Piat, des assassins au coeur du pouvoir ». De même, François Léotard, président de l’UDF, mis en cause dans le même ouvrage sous le sobriquet « d’Encornet » obtint du Tribunal correctionnel de Paris un million de francs de dommages et intérêts, bien que les noms des intéressés n’est pas été cité. Le simple fait qu’ils se soient reconnus l’un et l’autre suffit à les rendre identifiables et aptes à se prévaloir de l’article 29 de la loi sur la presse.
En cas de diffamation publique, l’auteur peut être condamné à 1 an de prison et/ou 45 000 euros d’amende (peines maximales). La diffamation est réputée commise le jour où l’écrit est porté à la connaissance du public et mis à sa disposition. Dès lors, le délai de prescription d’un an commence à courir.
- Exonération : l’exception de vérité (article 55) En matière de diffamation, l’intention coupable est présumée (L. 19 juillet 1881, art. 35bis), il appartient donc à l’auteur des propos prétendument diffamatoires d’apporter la preuve de sa « bonne foi ». La démonstration de la bonne foi est parfois difficile et exige la réunion de quatre critères :
- la sincérité : l’auteur disposait d’élément suffisant pour croire à la vérité des faits relatés ;
- la poursuite d’un but légitime : les propos visent à informer et non à nuire ;
- la proportionnalité du but poursuivi et du dommage causé ;
- le souci d’une certaine prudence.
En outre, si la preuve des faits jugés diffamatoires est rapportée, l’auteur de la diffamation peut être relaxé en vertu du principe « d’exception de vérité » (pouvant être exercé dans un délai de 10 jours). Il conviendra d’apporter la preuve de la vérité des faits mais également celle de la légitimité du propos relatant le fait diffamatoire. Les éléments de preuve doivent avoir une origine licite, transparente et devaient être en la possession de l’auteur de la diffamation au moment de l’infraction. L’exception de vérité ne pourra pas être invoquée :
- quand les faits touchent la vie privée de la personne ;
- quand l’imputation se réfère à une infraction amnistiée ou prescrite ;
- quand les faits remontent à plus de 10 ans (les moyens de preuve n’étant pas fiables).
Illustration jurisprudentielle : Ch. mixte 24 novembre 2000 Lors d’une émission télévisée (7 sur 7), M. Rocard accuse J-M. Le Pen d’avoir pratiqué la torture en Algérie. La Cour de cassation retient que les propos de M. Rocard sont issus de sources diverses (les faits allégués étant reconnu par J-M. Le Pen dans plusieurs entretiens) et prononcés dans le cadre d’une campagne électorale.
Selon la Cour de Cassation, le but poursuivi est légitime : en période de campagne électorale, l’information de l’électeur est un but légitime (la volonté n’est pas directement de nuire à l’auteur des faits).
L’injure
- Définition de l’injure Au même titre que la diffamation publique, l’injure publique est définie par l’article 29 alinéa 2 de la loi sur la Liberté de la presse :
CHAPITRE IV : des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. Paragraphe 3 : Délits contre les personnes. Article 29 Al. 2e : « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »
L’injure publique envers un particulier est un délit passible de 12 000 euros d’amende (article 33 alinéa 2 de la loi sur la presse). On pourra noter qu’à l’inverse, l’injure proférée en privé est une contravention de première classe (article R 621-2 du Code pénal) passible de 38 euros d’amende (article 131-13 du Code pénal).
Ainsi, l’injure se définit traditionnellement par quatre éléments constitutifs :
- la désignation de personnes déterminées : l’injure ne peut s’exprimer qu’à l’encontre d’une personne clairement identifiée ;
- l’intension coupable ;
- un élément de publicité : par définition, l’injure publique doit faire l’objet d’une publicité ;
- des propos ou invectives injurieux ou outrageants : la nature de propos proférés conditionnera la qualification d’injure. A titre d’exemple, selon le Tribunal de grande Instance de Paris, le terme « poulet » qualifiant un représentant de la force publique n’est pas une injure. De même, l’association du sobriquet « Tata Tati » à une animation représentant une personne (la plaignante) et publiée sur Internet (en l’espèce le site de la société Tati) n’est pas assimilée à une injure, même l’image est dévalorisante. En l’espèce, la plaignante obtiendra réparation sur le fondement du droit à l’image (17e chambre du TGI Paris, 3e section, 5 janvier 2000).
A l’inverse de la diffamation, l’injure ne repose sur aucun fait, il n’est donc pas question de prouver la véracité des propos injurieux allégués. L’injure se suffit à elle-même, son auteur ne peut s’exonérer en arguant l’exception de vérité.
- Exonération : l’excuse de provocation On pourra cependant s’exonérer en réclamant l’application du cadre légal de l’excuse de provocation, susceptible d’expliquer l’injure (article 33 de la loi sur la presse). La jurisprudence reconnaît et définit en effet la notion de provocation comme un « fait accompli volontairement pour la personne injuriée, de nature à expliquer l’injure ». Cependant, « l’injure n’est excusable pour cause de provocation que lorsque celui qui a proféré ladite injure peut être raisonnablement considéré comme se trouvant encore sous le coup de l’émotion que cette provocation a pu lui causer » (Crim. 13 janvier 1966 Bull. N°14). L’excuse de provocation ne pourra donc être valablement retenue qu’uniquement dans les cas où l’injure découle directement de la provocation (même si la jurisprudence n’exige pas concomitance entre l’attaque et la riposte – cf. Crim. 17 février 1981 Bull. 64). La qualification de la provocation relève de l’appréciation souveraine du juge.
Par ailleurs, il appartient au prévenu poursuivi pour injure publique d’évoquer l’excuse de provocation, qui devra en apporter la preuve (Crim. 21 mai 1974 Bull. 189), par tout moyen.
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