Tablettes, téléphones portables, consoles de jeux ou télévision, les outils numériques sont utilisés de plus en plus et de plus en plus tôt. Un enfant de trois ans sait se servir d’un écran tactile et surfer sur le net. Mais attention ! Ce n’est pas sans danger et les parents doivent poser des règles pour préserver santé, intimité et sphère familiale.
Les jeunes qui sont nés à partir de 1995 ont toujours baigné dans le 2.0. C’est la génération « écran », familière avec le monde virtuel même si elle n’en maîtrise pas forcément tous les rouages.
En moyenne, les 9-16 ans passent deux heures par jour sur internet auxquelles s’ajoutent deux heures par jour devant la télé (source : rapport France EU-Kids).
De plus en plus tôt, de plus en plus virtuoses
« À trois ans, un enfant sait faire la différence entre fiction et réalité et peut aisément commencer à jouer sur une tablette », explique Michael Stora, psychologue clinicien pour enfants et adolescents.
« Les ados, eux, lorsqu’ils sont sur un ordinateur, jonglent entre plusieurs fenêtres, peuvent tenir une conversation de visu tout en surfant sur internet, écrire des SMS sur leurs portables et suivre une série à la télé ou encore jouer en ligne », observe Eric Delcroix, maître de conférence spécialisé dans les réseaux sociaux.
Pas de réels troubles avérés
« Les écrans ne peuvent pas créer de troubles comportementaux, ils n’ont pas ce pouvoir », poursuit Michael Stora. « En revanche, ils peuvent devenir révélateurs de problèmes sous-jacents. Certaines formes de dépendance peuvent apparaître à la fin de l’adolescence avec des phénomènes de déscolarisation par exemple. Mais cela est le résultat d’une histoire personnelle. Souvent, ce sont des enfants inhibés qui ont des phobies sociales et qui vont se réfugier dans les jeux. »
Les spécialistes s’accordent pour dire qu’en la matière le terme d’addiction est utilisé abusivement.
Des risques à ne pas négliger
Pour Thomas Rohmer, directeur de l’association Calysto spécialisée dans les usages du numérique, le risque est de « confier » ses enfants à ces outils numériques : « certains parents préfèrent savoir leurs enfants chez eux, connectés à internet plutôt que dehors. Or, surfer sur la toile, c’est précisément être connecté au monde extérieur et aux dangers qu’il comporte. »
Pédophilie, pornographie, usurpation d’identité, jeux en ligne… Même si globalement les adolescents maîtrisent les outils, ils ne sont pas pour autant à l’abri de mauvaises rencontres ou de personnes mal intentionnées.
« Internet n’est pas du tout un terrain virtuel », insiste Thomas Rohmer. « Les conséquences d’un harcèlement, par exemple, sont réelles. Et la notion d’anonymat sur le net rend le bourreau encore plus puissant. » Le web est comme une cour de récréation. « Ce qui se gravait avant sur une table ou sur les murs des toilettes se retrouve sur la toile ».
Former les jeunes et les adultes
« Quelle que soit la mauvaise rencontre, à l’origine il y a toujours des données personnelles laissées sur internet. D’où la nécessité de former les jeunes comme les adultes à la maîtrise des informations mises en ligne. »
Eric Delcroix pointe une culture générationnelle différente : « La difficulté rencontrée chez les jeunes est le manque de recul par rapport à ce qu’ils diffusent, lié à leur manque de maturité. En général, ils savent parfaitement verrouiller leurs profils et paramétrer leurs comptes. En revanche, ils ne sont pas conscients du droit à l’image, des questions juridiques (diffamation, racisme, harcèlement…) ou encore de l’intemporalité des données, puisqu’ils sont dans l’instantané. »
Instaurer des règles dans le dialogue
Les parents sont là pour fixer des limites. L’idéal est de définir ensemble les conditions d’utilisation et l’usage des outils.
« Il n’y a rien de plus dangereux qu’un enfant qui va en cachette sur internet », avertit Eric Delcroix. « Et les parents, à leur tour, ne doivent pas surveiller tel un gendarme les faits et gestes de leurs enfants sur le net. Les jeunes le vivent comme une violation tout comme nous à notre époque si nos parents ouvraient notre courrier papier. »
Et il faut être cohérent ! Rien n’est plus contreproductif que d’interdire à son enfant d’utiliser son téléphone à table quand soi-même on le fait.
Réfléchir sur les besoins des jeunes
Le premier téléphone est souvent accordé trop jeune, à l’école primaire, et pour de mauvaises raisons. « Donner un portable à son enfant pour pouvoir le suivre ou le surveiller peut être anxiogène pour l’enfant », note Michael Stora.
Généralement offert au moment de l’entrée au collège, le choix du premier téléphone doit être considéré avec attention. « Est-ce normal de donner à un enfant un portable qui coûte entre 500 et 600 € neuf ? », s’interroge Thomas Rohmer. « Les parents doivent hiérarchiser les besoins et savoir dire non. »
D’une manière générale, « l’idée n’est pas de diaboliser l’outil mais d’en maîtriser l’utilisation ».
Sources :
Baromètre Calysto février 2012
Rapport 2012 du défenseur des droits des enfants : Enfants et écrans, grandir dans le monde numérique
Rapport pour la France : risques et sécurité des enfants sur internet, janvier 2012
Etude « tablette tactile, la nouvelle nounou ? », Observatoire Orange-Terrafemina
Etude INPES, La santé des adolescents à la loupe, septembre 2012
En savoir plus
Voici quelques propositions de règles d’hygiène de vie numérique :
– pas de téléphone ou de console à table,
– fixer une heure limite d’échanges de SMS ou d’appels (pas après 20 heures),
– interdire les téléphones et ordinateurs dans les chambres,
– installer l’ordinateur dans le salon de manière à ce que le surf sur internet ne se fasse pas dans un lieu isolé,
– même si les études de l’OMS n’ont pas conclu à un risque des ondes sur la santé, il est prudent d’utiliser l’oreillette le plus souvent possible et d’éviter, pour les garçons, d’avoir le téléphone allumé près des parties génitales,
– apprendre à gérer son forfait : il est important de sensibiliser les jeunes à la question du coût, d’où l’intérêt des forfaits bloqués.
Le filtre parental est souvent utile et nécessaire pour les plus jeunes car il permet en fonction de mots clés de bloquer l’accès à des sites sensibles. Il devient obsolète pour des ados qui le déconnectent assez facilement. D’où la nécessité d’avoir une discussion de fond pour trouver un équilibre et un terrain d’entente.
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