Nous vous présentons un résumé de l’intervention de Serge Tisseron lors du colloque précité du 10/01/2012
« Nous sommes passés de la culture du livre (unique et seul à la fois) à la culture des écrans (multiples et tous en même temps).
Dans le même temps, il y a eu un basculement dans l’éducation des enfants : jusque dans les années 70, les enfants s’élevaient seuls (CF « la guerre des boutons »); en revanche, après, les parents on commencé de croire qu’ils devaient élever leurs enfants. Nous assistons actuellement à un retour en arrière.
Qu’est-ce que les écrans en général et Internet en particulier ont changé ?
1- la relation à soi-même
2- la relation aux autres
3- la relation aux images
4- la relation à l’espace et au temps
5- la relation à la connaissance
1- la relation à soi et 2- la relation aux autres
Le numérique provoque la multi identités : les enfants ont plusieurs avatars, plusieurs profils, plusieurs blogs,…
L’enfant est désormais élevé dans plusieurs séries de représentations : il se voit dans le miroir et a une image inversée (effet miroir) et on lui montre tellement de photo et de vidéo de lui qu’il a une représentation redressée.
L’internet est un leu de reconnaissance de l’enfant; l’enfant n’est pas exhibitionniste mais il est en quête de lui-même. L’enjeu se situe au niveau de l’éducation à l’image des ado lors de la mise en ligne de fragments d’eux-mêmes sur Internet.
Le danger réel est la croyance des enfants selon laquelle la reconnaissance proviendrait du NOMBRE de retours du Net (nb de commentaires, d’amis,…). Cela conduirait à un sentiment plus déprimé et plus nu de l’enfant.
La solution passerait par repérer les enfants en souffrance pour les conduire dans des activités créant de l’estime d’eux-mêmes ! Les réseaux sociaux permettent le développement des réseaux familiaux quand ce réseau est déjà existant et efficace. Le fantasme de l’ado repose sur son désir de croire que le réseau social peut remplacer le réseau familial.
Une autre piste consiste à expliquer la place de l’autre pour encourager l’esprit critique, le doute : cela relativiserait la place du Net et, en même temps, augmenterait la discussion, la réaction immédiate des enfants (donc augmentation des liens et de la confrontation avec autrui et avec les adultes) : cette discussion devrait prendre place en classe et à la maison.
3- Relation aux images
Les adolescents sont consommateurs de jeux vidéos et d’écrans.
Les jeux vidéo sont des jeux bien réels car il faut y élaborer des stratégies, créer des images, nouer des relations,… L’aspect « préparation » des jeux vidéos prend beaucoup de temps aux joueurs. Les jeux vidéos proposent d’évoluer selon des niveaux : cela est beaucoup moins dangereux que les anciens rites de passage réels (tels que ceux que les parents ont connu : escalader un mur,…). L’inquiétude des adultes vient de la méconnaissance des nouveaux outils !
Le problème éducatif est le droit à l’image.
4- la relation à l’espace/au temps
Le problème est que les internautes, perdus dans la multitude, se joignent à ceux qui se ressemblent le plus : cela conduit à du communautarisme; le travers de ce penchant naturel est que les internautes pensent avoir raison après avoir consulté, discuté,… avec d’autres internautes. Or ces autres internautes sont des semblables car ils fréquentent les mêmes sites,…
5- la relation à la connaissance
une difficulté pour les adolescents repose sur le mode d’apprentissage sur internet qui est à l’opposé de celui de l’école. Or les ado attendent de l’école un mode de fonctionnement identique à celui de l’Internet. Il faudrait que l’école tende à aller vers une pédagogie qui permette la discussion et l’échange autant que la pédagogie qui transmet les connaissances.
Ayant connaissance de ces 5 points de bases, comme prévenir la violence (contre soi et les autres) ?
– les parents doivent créer des paliers dans les apprentissages : la règle du 3/6/9/12 est : pas d’écran avant 3 ans, pas de console personnelle portative avant 6 ans, pas d’internet seul avant 9 ans, Internet seul mais avec des limitation (nb d’h,…) à 12 ans.
– les enfants qui sont confrontés à l’hyperviolence (notamment à la TV) très tôt peuvent rencontrer des difficultés pour gérer les images; cela peut conduire à des comportements de bourreau ou de victime. La solution est : quand il y a eu une agression, il faut en parler ! On constate une perte de repère des enfants quand ils se réfèrent uniquement au pôle agressif ou au pôle victimaire; or il existe d’autres alternatives : un témoin d’un harcèlement a différentes possibilités : soit il participe au harcèlement physique ou virtuel (bourreau), soit il ne fait rien (bourreau), soit il intervient/prévient un adulte. Le problème actuel se situe dans le rôle des témoins car il n’existe pas de modèle de comportement autre que celui d’agresseur ou de « balance ». Il faut créer un environnement social tel que le ridicule ne tue pas !
– Il faut que l’école accompagne les enfants dans l’utilisation des outils pour permettre de développer les outils (et ne pas être un utilisateur/consommateur bêta), pour promouvoir interactivité (travail de groupe) et pour développer la créativité des utilisateurs. Cela peut se faire en encourageant la création de films : on peut imaginer que les enfants utilisent leur téléphone mobile pour créer des images afin de faire la distinction entre les moments intimes (les communications privées) et les moments pour créer et laisser la place suffisante à la création. »
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